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Le photographe Francis Delvert

Commençons par le début : à l’origine de la photographie, la lumière. Ou plutôt non, commençons par la fin (mais ce n’est qu’un début… !) : le 21 novembre prochain, la ville de Saintry-sur-Seine élèvera une stèle commémorative à l’occasion du 20ème anniversaire du Vélocigraphe II, événement qui donnera lieu à une cérémonie au cours de laquelle sera inauguré, en sa présence, le « Parvis Francis Delvert, Docteur ès’ Sciences ».

Certains d’entre vous se demandent déjà, avec raison : mais qu’est-ce qu'un Vélocigraphe ?
C’est pourquoi ce mois-ci, nous vous proposons un numéro photographico-technico-scientifique. Il sera beaucoup question de chute libre, de conquête spatiale, d’icebergs, d’écoulements monophasique et diphasique, de photomacrographie, de saucisse (grillée), mais aussi d’amitié, de générosité, de prouesses scientifiques, techniques et photographiques, d’inventions extraordinaires de tout poil, de repousse du cheveu, et de... Vélocigraphes, bien sûr.
Processus a souhaité accompagner la consécration de cette carrière hors norme et rendre hommage à ce véritable génie de la photographie : Francis Delvert.
Un voyage photographique à travers le feu, l’air et l’eau, l’espace et le temps, au cours duquel nous tenterons de répondre à cette question, si vaste mais tellement passionnante : qui est Francis Delvert ?
Le compte à rebours est lancé. Et accordons-lui - enfin - la place qu'il mérite dans l'Histoire de la photographie !
LEGENDE
A PLACER ICI

MODE RAFALES ET TEMPS DE POSE
Francis Delvert et contre tout

 
Francis Delvert est un amoureux de la lumière, artiste et poète. Francis Delvert est également chercheur, inventeur et historien en photographie, spécialiste dans la réalisation de matériels photographiques pour prises de vues techniques en milieux extrêmes.
Extrêmes… c’est-à-dire ?

 
Cela peut être le feu des volcans (appareils capables de résister à des températures allant jusqu’à +50°) ou le froid des montagnes (accompagner la conquête de l’Everest jusqu’à -40°).
Ou encore l’air des grands océans (système image par numérisation pour l’étude d’une meilleure prise au vent des voiles de catamarans), l’eau des mers (systèmes d’étanchéité pour appareils photographiques et vidéo pour de nombreux navigateurs).
Entre ciel et terre (adaptation d’un viseur à cadre sur un casque relié à un déclencheur au pouce pour le vice-champion du monde de saut en chute libre).
Du visible à l’invisible (réalisation d’un système à fort grandissement en lumière diascopique et ultraviolette permettant la lecture d’inscriptions invisibles sur des pièces de monnaie anciennes, ou encore la mise au point d’appareils photographiques avec déclenchement par contact électronique ou mercurique et par satellite permettant la réalisation de prises de vues de jour comme de nuit).
De l’infiniment petit (avec une caméra à peine plus grosse qu'une gélule et qui permet de visionner, de l’intérieur, dans le corps, les petits écoulements lents) à l’infiniment grand, avec des voyages dans l’espace… (invention du premier appareil de macrophotographie au monde travaillant en autarcie totale dans l’espace, le Vélocigraphe II) et dans le temps (la même action saisie avec neuf vitesses d’obturation différentes), en apesanteur et dans l’ultra vide. 
Vous avez déjà un peu le vertige, non ? 

Francis Delvert :  "Je dois avouer que j’aurais bien aimé pouvoir accompagner tous mes appareils dans leurs périples, sur terre, sous terre, sur les mers du globe, dans les airs... et surtout dans l’espace. Mais soyons humble et réaliste, n’est-ce point déjà une immense joie que de les avoir créés ? J’ai fait un métier où j’ai dû être orgueilleux d’être humble. N’oublions pas que c’est l’ensemble des œuvres laissées par de nombreux artistes, chercheurs, inventeurs, bricoleurs, connus ou inconnus, qui crée la rencontre avec la science du savoir et qui participe au développement de l’homme. Cela ne peut pas être l’œuvre originale d’un seul homme de génie. C'est une micro équipe : Jean Moutet, Philippe Farge, Marc Moquet et Alain Gislot."
 

Impossible n'est pas Francis


Nous avons demandé à l'une des ses anciennes étudiantes en psychologie cognitive, Hélène Parant, de relever ce défi : résumer Francis Delvert.
Hélène Parant : Il sera difficile de vous dresser en quelques lignes le portrait de Francis Delvert : tout ce qui pourra être dit sur lui sera forcément réducteur.
Demandez-lui de vous raconter ce qu’a été sa vie aux côtés de son amie et de sa complice, dame photographie, et il vous parlera de son art, il vous racontera comment il a appris avec son grand-père Léon Lacroix à voir, à sentir et apprivoiser la lumière.
De manière anecdotique, il évoquera les médailles d’or qu’il a remportées à 22 et 24 ans, aux Biennales du Portrait de 1960 et de 1962, qui ont lancé sa carrière de photographe, et le Grand Prix de la "Photokina" en 1968.
Il vous parlera de ses créations, par exemple des livres-disques « La merveilleuse aventure de la photographie » (avec les voix de Rosy Varte, François Périer et Roger Carel) et « Les écrivains de lumière », destinés à transmettre aux enfants ou aux adultes quels artistes, quels inventeurs, quels hommes, ont jalonné le parcours évolutif de la photographie.
Il vous racontera aussi ses inventions. Il vous dira comment il a réalisé le plus grand appareil photographique au monde : l’Essonnien, capable de produire des images de 2 mètres sur 3, ou comment il a réalisé le tirage et le développement de la plus grande photographie du monde dans une rue de Bièvres.
Au fil de son discours, vous apprendrez qu’il a travaillé dans l’audiovisuel : chef de plateau puis directeur de la photographie à l'ORTF. Au côté de Michel Chevalet, Patrice Drevet, Jean-Pierre Chapel, Yves Mourousi, il animera des émissions de banalisation scientifique comme « La petite science » ou « Photo météo », diffusées sur TF1. Ça vous dit quelque chose ? Pas étonnant, puisque cela représente plus de 500 émissions en direct.
D’autres noms plus ou moins connus viendront aussi sonner à vos oreilles : le GIGN pour qui il crée des équipements spéciaux. Michael Birch, Alain Gauthier, Florence Arthaud, Isabelle Autisser ou Olivier de Kersauzon, autant de navigateurs pour qui il a adapté et mis au point du matériel photographique. Son ami Guy Sauvage, vice-champion du monde de saut en chute libre, le célèbre volcanologue Haroun Tazieff, les alpinistes de l’Everest, Jean Afanasieff, Nicolas Jaeger, Walter Cecchinel, Pierre Mazeau… Des inventions exceptionnelles pour des demandes extrêmes.
L’eau, l’air, la terre et puis enfin l’espace… Parmi ses nombreuses activités, Francis Delvert a aussi travaillé en tant que directeur de recherche en imagerie spatiale en collaboration avec la NASA. Francis évoquera alors avec nostalgie son équipe, ses amis, Jean Moutet, Philippe Farge décédé trop jeune, Alain Gislot avec qui il a conçu et créé le Vélocigraphe II, premier appareil photographique au monde capable de fonctionner en autarcie complète dans l’espace. Il vous parlera de son second bébé, le Vélocigraphe III. Réalisé pour des missions comme Scorpio, cet appareil est capable de travailler dans l’ultra vide, c'est-à-dire par 10 -7 atmosphère…
Et quoi de plus paradoxal pour un autodidacte que de se retrouver chargé de cours en DESS de psychologie cognitive, ou chargé de recherche au laboratoire CRIS (Centre de Recherche sur l’Information Spécialisée) et SERIES (Section d’Etude et de Recherche sur les Industries Electroniques du Savoir) à l’Université Paris X Nanterre. Pour parfaire la chose, Francis a passé une thèse à soixante huit ans, sous la direction du professeur des Universités Jacques Perriault, dont le sujet était : “La construction par l’image photographique de connaissances scientifiques et techniques sur des phénomènes survenant dans des situations extrêmes.” Résultat: “Mention Très Honorable avec les félicitations du jury à l’unanimité”.
Je pourrais vous raconter pendant des pages ce qu’a réalisé, créé, imaginé, inventé Francis Delvert, mais cela serait le limiter à ce qu’il a fait.
Parce qu’à la différence de certains, Francis Delvert ne se définit pas par sa carrière, mais par ce qu’il est : un homme sensible, généreux, amical, ouvert… un homme vrai. Nous, étudiants du DESS de psychologie cognitive, nous qui avons eu la chance de le connaître, de l’écouter, et d’échanger avec lui, nous tenions à le remercier pour nous avoir tant donné pendant ses cours.

« Écrire avec la Lumière, c’est fixer à tout jamais ce qui pourrait disparaître, à travers les gens, les lieux, les paysages, les éléments naturels, les rîtes et les fêtes.
Écrire avec la Lumière, c’est capter cet instant précieux et fugitif que l’on souhaite faire durer et partager.
Regarde une image. Ce n’est pas elle que tu vois, mais le souvenir de ce qu’elle peut évoquer, sans voir ce qu’elle représente.
Entre nos doigts, elle nous dit : « Forgetmenot », ne m’oublie pas !
L’image est un langage planétaire. »
Francis Delvert.
 

L'INTERVIEW « RÉFLEXE »

- Que faites-vous de vos yeux lorsqu’ils ne sont pas derrière un objectif ?
Francis Delvert : J’en laisse un ouvert pendant que l’autre se repose.
 
- Quel est le cliché que vous ne supportez plus ?
FD : Le flou, pas net.
 
- Quand vous fermez les yeux, quelle image apparaît ?
FD : Les êtres aimés.
 
- Quel est le réflexe dont vous êtes le plus fier ?
FD : Mon doigt.
 
- Qu’est-ce que vous ne pouvez pas encadrer ?
FD : La bêtise, la mauvaise foi.
 
- Votre état d’esprit sur la situation de votre métier ? Positif ou négatif ?
FD : Positif, mais il faut travailler et toujours se remettre en question. Sans le négatif, je ne peux pas devenir positif !
 
- Devant quel sujet ne pouvez-vous pas rester objectif ?
FD : Les Syndicalistes.
 
- À quoi sert un photographe ?
FD : « Forgetmenot » - Ne m’oublie pas.
 
- Envie de faire une mise au point, là, tout de suite ?
FD : Un sténopé, pas besoin de mise au point.
 
- Quelle impression vous laisse l’expression « sage comme une image » ?
FD : Quand nous regardons une image, elle est lue rapidement et immédiatement. Ensuite on traverse l’image et l’on commence à conter ce qu’il y a eu autour et derrière celle-ci.
Le conteur Hoffman disait « qu’un amant voulant laisser à sa maîtresse un souvenir durable se mire dans le miroir car son image s’y est cachée derrière ».
 
- Si vous deviez zoomer sur un événement, ce serait lequel ?
FD : Passer à travers les vibrations du trou noir 250 rotations par seconde et…
 
- À quoi êtes-vous le plus sensible ?
FD : À l’amitié.
 
- Qu’est-ce qui passe avec succès, l’épreuve du temps ?
FD : Le temps.
 
- En photo, qui vous impressionne vraiment ?
FD : Le doigt de l’opérateur.
 

QUESTIONS SUBSIDIAIRES

- Quel métier auriez-vous aimé faire ?
FD : J’aurai bien aimé monter un « bordel »… pour chiens.
 
- Quel métier n’auriez-vous pas aimé faire ?
FD : « Branleur ».
 
- Quelle est votre drogue préférée ?
FD : J’en ai deux : l’AMITIÉ et le RIRE.
 
- Qu’est-ce qui vous fait réagir le plus de façon créative, spirituellement, ou émotionnellement ?
FD : La réussite d’une expérience qui paraissait IMPOSSIBLE !
Une grande firme m’a demandé de réaliser un appareil de prise de vues permettant d’analyser la repousse des cheveux, capable de faire le comptage automatique des implants.
Concept réussi… et gros éclats de rire… !
 
- Qu’est-ce qui, au contraire, vous met complètement à plat ?
FD : Une ou un ami(e) qui a des ennuis, de quelque sorte que ce soit.
 
- Quel est le bruit, ou le son, que vous aimez faire ?
FD : Écouter religieusement sous un choc les ondes variées d’un bol Tibétain.
 
- Quel est le bruit ou le son que vous détestez ?
FD : Monsieur Larsen.
 
- Qui aimeriez-vous shooter pour mettre sur un nouveau billet de banque ?
FD : Un trou du cul, c’est par là qu’arrive la merde.
 
- Quels sont vos jurons, gros mots, blasphèmes favoris ?
FD : J’en ai deux : « Putain de saloperie de sa tante de merde » et « Couille baveuse de crapaud vérolé »
 
- Quel don de la nature aimeriez-vous avoir ?
FD : La musique.
 
- Avez-vous un objet fétiche, un porte-bonheur ?
FD : Regarde Saint Christophe et va-t’en rassuré.
 
- Quelle est la plante dans laquelle vous aimeriez être réincarné ?
FD : Sans réfléchir, le ginkgo biloba ou "l’arbre aux mille écus"…
L’arbre le plus vieux du monde et qui a repoussé après le bombardement d’Hiroshima.
 
- À quoi vous sert l’art ?
FD : À faire parler les autres.

- Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans la photographie ?
FD : En fait tout me passionne dans ce métier, car j’ai eu la chance de pouvoir toucher à (presque) tout, et même à l’espace.
Dans un premier temps, ce sont les apports préliminaires qui font de la photographie un moyen de recherche extraordinaire où l’image constitue la véritable rétine du chercheur sous diverses formes (astronomique, médicale, microphotographique, photogrammétrie, judiciaires et autres) suivant les domaines concernés et les circonstances.
Il est bien évident que ma passion au début fut le portrait, étude morphopsychologique, positionnement… Puis la recherche, la création et la conception de matériel photographique et micro vidéo pour travailler dans des situations extrêmes en transmission d’images.
 
- Argentique VS numérique, qu’en pensez-vous ?
FD : Le numérique est plus facile à utiliser, plus économique ; il permet de faire des images au moteur de 5 à 10 images secondes, de choisir ensuite la meilleure et d’effacer celles qui n’ont pas été sélectionnées. En argentique, cela était beaucoup plus difficile, c’était un véritable métier. Je me souviens d’être allé photographier l’arrivée d’une course de chevaux avec une chambre 13x18... Je n’avais droit qu’à une seule et unique image. Elle devait être bonne !
Aujourd’hui c’est la facilité. Mais pas dans tous les cas. Heureusement Dame Photo réserve des surprises à qui ne connaît pas la lumière !!!
 

SI VOUS ÉTIEZ

- Une couleur ?
FD : Le vert.

- Une chanson ?
FD : "Les sanglots longs".

- Un objet ?
FD : Une plume.

- Une saison ?
FD : L’automne.

- Un oiseau ?
FD : L’aigrette.

- Un parfum ?
FD : Le vert de Arppel’s.

- Un sentiment ?
FD : La tendresse.

- Une sensation ?
FD : Le velouté d’un corps.

- Un artiste… ?
FD : Louis Ducos Du Hauron.

- Un alcool… ?
FD : L’Armagnac.

- Un aliment… ?
FD : Le foie gras.

- Une œuvre d’art… ?
FD : Les images de Léonard de Vinci.
 

LA GÉNÈSE
Le Vélocigraphe II, une aventure spatiale


La petite histoire dans la grande Histoire. Francis Delvert se souvient :
Ce jour-là, son grand-père lui avait promis qu’ils iraient ensemble au terrain d’aviation pour piloter ces magnifiques engins volants qui font rêver tous les enfants et faire des photographies.
Francis Delvert : Un homme sombre est alors entré dans le magasin de photo de mon grand-père, et lui a chuchoté gravement quelques mots à l’oreille. Mon grand-père s’est rembruni et m’a annoncé que l’on n’allait plus sur le terrain d’aviation. J’ai trépigné et crié à l’injustice ! Tu m’avais promis, grand-père ! J’étais un enfant et, dans mon égoïste naïveté, je croyais sans doute que je pouvais faire changer d’avis mon grand-père en usant simplement des bons arguments !
- « Mais grand-père, toi qui inventes tout un tas choses, pourquoi tu n’inventes pas un appareil photo capable d’aller tout seul faire des photos, et qui reviendrait ici après nous ramener les images ? Je pourrais t'aider à développer et comme ça nous pourrions quand même aller au terrain cet après-midi ! »
Mon grand-père me prit affectueusement par les épaules :
- « Et pourquoi tu ne l’inventerais pas, TOI, ce merveilleux appareil ? » Je ne me doutais pas que, quarante ans plus tard...
 
Ce merveilleux appareil...
1989 : mise au point du Vélocigraphe II par Francis Delvert. Le premier appareil de macrophotographie au monde travaillant en autarcie totale dans l’espace et capable de ramener sur terre 350 vues en automatique ! Un voyage de plus de 10 millions de kilomètres sur une orbite elliptique à 200/400 kilomètres de la Terre !
 
(L’homme qui leur avait rendu visite au magasin portait le deuil. Cet après-midi là, son grand-père est allé photographier le mort, comme c’était encore l’usage à l’époque.)
 

HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE
Les inventions qui ont marqué l’histoire


- Leçon n°1 -
 
Le premier appareil de macrophotographie au monde travaillant en autarcie totale dans l’espace: le Vélocigraphe II. Son inventeur : Francis Delvert.
Le Vélocigraphe II, ou comment l’étude des écoulements monophasique et diphasique en absence totale de gravité et d’accélération de la pesanteur, nécessite la conception d’un appareil photographique apte à résister à des contraintes extrêmes d’ordre mécanique (liées aux accélérations linéaires et aux vibrations aléatoires) et d’ordre magnétique (variations de champs), capable de ramener sur terre des images exploitables (350 vues en automatique et en autarcie totale).
 
Une première mondiale et spatiale. Francis Delvert se souvient…
Francis Delvert : Nous avons été convoqués à Intespace en novembre 1988, pour des essais de vibrations, de chocs, pressions, accélérations, etc. dans un lieu classifié (qui ne peut apparaître ici).
Un certain nombre d’ingénieurs de différentes firmes de photographie sont présents. Ils sont tous en blouse blanche, avec le nom de la firme, leur nom et qualité, brodés ou imprimés ; les appareils précieusement cachés dans de très belles valises en aluminium, (il y en a même une en cuir).
Nous, nous sommes en costume cravate, et notre appareil est dans un sac en toile bleue. Pour entrer dans le saint des saints des essais, on nous avait prêté les blouses blanches et les chaussons.
Devant tous ces VIP, nous nous retrouvions un peu déplacés, surtout qu’ils nous regardaient avec un certain mépris !
L’ordre de passage se faisant par ordre alphabétique, ils passèrent tous devant nous : notre bébé s’appelait « Vélocigraphe », nous fûmes les derniers à passer. C’est ainsi que nous avons eu la chance de les voir tous sortir, la tête basse ou s’échangeant des commentaires dans des langues que nous ne comprenions pas.
 
C’est à nous. C’est magnifique, tout brille : les machines, les ordinateurs, les calculateurs, et des hommes tout de blanc vêtus. Ils prennent en main notre appareil, étonnés, ils le tournent, le retournent, essayent de comprendre.
Pendant ce temps, une personne passe l’aspirateur dans un caisson. Nous allons bientôt savoir pourquoi : en fait, ce sont les restes du dernier appareil qui est passé juste avant nous et qui a explosé. Le ménage étant fait avec beaucoup de soin, notre appareil est placé dans ce fameux caisson avec une très grande précision. Notre programmateur de commande place les fils de différentes couleurs avec des morceaux de scotch pour les repérer ; ils sortent de la boîte et les différentes fonctions ont été étiquetées à la main. Ce n’est pas très luxueux mais efficace. On nous distribue à chacun des bouchons d’oreille et un casque. L’ingénieur en chef devant toutes ces machines nous demande, avec un air suspicieux, si l’on est prêt :
- Combien de G au départ ? nous demande-t-il. Il faut que vous sachiez qu’il faut un minimum de 20G. Les autres ont tous explosé en dessous de 10G.
Sans réfléchir, je lui réponds :
- Hé bien commençons à 20G !
Il me jette un regard surpris et fait ses réglages. Il lance la machine infernale. Bien que nous ayons les bouchons d’oreilles et les casques, nous entendons le métal hurler, pleurer, gémir, crier…
Il me fait signe le pouce en l’air, le calme revient et il me dit :
- Déclenchez votre appareil, s’il vous plait.
Le ton a changé, il est presque détendu et poli, que cela veut-il dire ?
Je déclenche l’appareil… Il fonctionne !
Et le voilà qui me reparle :
- C’est bien, nous allons continuer les essais à 40G, si vous le voulez bien.
Il relance la machine, à nouveau j’entends crier, hurler…
Tout s’arrête et :
- Monsieur, s’il vous plaît, voudriez-vous déclencher votre appareil ?
Le ton a complètement changé. Les ingénieurs qui étaient occupés à d’autres tâches nous rejoignent.
Je déclenche… l’appareil fonctionne.
L’ingénieur se lève, je le regarde inquiet, il nous sourit, lève ses bras et nous applaudit, les autres suivent. Nous ne savons plus où nous sommes, nous sommes liquéfiés, notre petite équipe a réussi !
- Messieurs, toutes nos félicitations, votre appareil a passé avec succès sa qualification de vol spatial. Nous allons fêter cela dans notre bureau de recherche.
- Merci, merci, messieurs… (Dans ces moments-là, on n’est pas loquace…)
- Mais, si vous me le permettez, en quoi est fait votre appareil ?
- En colle, monsieur, en colle !
 
Je ne sais pas s’il m’a cru…
 

Et pourtant !
Fiche Technique

Vélocigraphe. Issu du terme latin « Vélox » : agile, rapide et du terme grec « Graphein » : écrire, « Vélocigraphe » signifie littéralement « écriture rapide ».

Projet de biotechnologie spatiale : Vélocigraphe II
• Responsable du projet : Francis Delvert
• Chargé du concept électronique : Jean Moutet, électrotechnicien
• Chargé du concept mécanique : Philippe Farge, micromécanicien
• Designer : Alain Gislot
 
• Le boîtier : Olympus 4 Ti (Titane), vidé de la plupart de ses organes : la visée réflex, le prisme, l’obturateur, le rideau, la cellule, le décompteur de vues.
• Le diaphragme : remplacé par une simple feuille de carbone percée d’un trou équivalent à f /11,5.
• La mise au point : bloquée à la seule distance utile aux besoins de l’expérience.
• L’éclairage : 2 flashs électroniques coulés dans de l’Araldite A100 (colle spécialement conçue pour l’espace qui ne dégaze pas). Les prises de vues devaient se faire dans l’obscurité. En l’absence d’obturateur et de sa synchronisation aux flashs, l’éclair fut commandé par le dispositif de recharge associé à un montage électronique : le déclenchement devait permettre de prendre 350 photos à la fréquence d’une toutes les deux secondes et demie.
• Résistance à :
- une accélération de 80 fois la gravité terrestre (80G).
- des vibrations de 7 000 Hz tridimensionnelles.
Obtenue avec : quelques kilos d’Araldite coulée autour et à l’intérieur du boîtier pour fixer toute pièce susceptible de bouger.
• Le film : standard 135mm, Kodacolor Gold 200 iso.
• Poids total : (en ordre de marche et avec film) 3,751 kg.
• Le calendrier : décollage le 26 avril 1989 et retour le 13 mai suivant.
• Le voyage : plus de 10 millions de kilomètres sur une orbite elliptique à 200/400 kilomètres de la Terre.
 

HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE
Les inventions qui ont marqué l’histoire

- Leçon n°2 -
 
Le plus grand appareil photographique du monde : l'Essonnien. Son inventeur : Francis Delvert.
 
L’Essonnien, ou comment les diverses interrogations internationales sur les dimensions maximales qu’un appareil de prise de vue argentique pourrait supporter conduisent à la fabrication du plus grand appareil photographique du monde ! Son inventeur : Francis Delvert.
 
L’Essonnien est l’un des nombreux défis photographiques relevés par Francis Delvert : la plus grande chambre photographique du monde capable de prendre aussi bien des clichés de 2 mètres sur 3 que de faire de la macrophotographie.
C’est un appareil complet qui, comme les chambres de laboratoire du XIXe siècle comporte, au-delà du dépoli, son propre laboratoire de développement.
 
L’Essonnien est également le seul appareil photographique à l’intérieur duquel il est possible d’entrer pour en faire la visite et en observer le sténopé.
 

Devenez Jonas !
Fiche technique

• Nom : Essonnien
• Format de l’image : 2 mètres sur 3
• Ojectif : 4 lentilles
• Focale : 2 mètres ou 2.000 mm
• Ouverture maximum : f/40 au rapport 1/1
• Diamètre : 150 millimètres
• Vitesses : Poses T, B, et de 1 s au 1/125e
Synchronisation flash électronique à toutes les vitesses
• Mise au point : de 4 mètres à l’infini
Volant de translation de mise au point 7 mm par tour
• Soufflet : 650 Kg
 
Le soufflet est fait de toile renforcée. Le déplacement horizontal est assuré pour le haut par deux tubes et sept crochets, pour le bas par un chariot sur rails. Le soufflet a été découpé à l’ancienne et cousu en respectant des documents d’époque fournis par le Musée Français de la Photographie.
Grâce aux panneaux porte-objectifs interchangeables de la façade, il est possible d’adjoindre, sur le porte-objectif, un bloc à tiroirs de 1,50 à 3 mètres de tirage supplémentaire permettant ainsi de faire de la macrophotographie au rapport X3. Pour cette application, l’optique est montée à l’envers et à l’intérieur de la plaque frontale du double tiroir. La précision du déplacement, relié par cardan au volant pour la mise au point, est de 7 millimètres par tour de manivelle. Un sténopé percé tronconique de 4,2 millimètres de diamètre dans du laiton permet de voir la différence de définition qu’il y avait entre la naissance de la photographie (Camera Obscura) et aujourd’hui, en passant par le ménisque, pour aboutir à l’objectif moderne.
 
L’optique de L’Essonnien constituait un des problèmes majeurs de sa réalisation puisque cet objectif, d’une focale de 2000 millimètres, devait couvrir sans déformation ni vignetage une surface de 2 mètres sur 3.
Les calculs effectués par Francis Delvert et Serge Equilbey (ingénieur de recherche à l’Institut d’Optique d’Orsay) démontrèrent la nécessité de fabriquer, spécialement pour l’Essonnien, une optique hors norme.
 

HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE
Les inventions qui ont marqué l’histoire

- Leçon n°3 -
 
La première installation photographique au monde capable de saisir un même mouvement à 9 vitesses d’obturation différentes, de la seconde au 2 millièmes de seconde. Son inventeur : Francis Delvert.
 

Vous vous demandez certainement comment réaliser un exploit scientifique et technologique de cette sorte ? Rien de plus simple.

Francis Delvert vous donne la recette.
Vous prenez :


• Le lieu : un studio de 450 m² peint tout en noir.
• Le matériel : 9 appareils motorisés, à déclenchement simultané avec avance automatique du film après chaque déclenchement et 60 Kilowatts d’éclairage tungstène.
• Le film : Ektachrome Professionnal 160 (EPT), type « lumière artificielle ».
• La durée : pensez à réserver 6 jours de travail dans votre emploi du temps et celui de votre équipe.
 
Chacune des 9 photographies d’une série est donc prise au même instant, mais avec une vitesse d’obturation différente, allant de 1 seconde au 1/2000e de seconde.
L’une des principales difficultés à surmonter, au niveau de l’exposition, sera de faire correspondre des ouvertures de diaphragme différentes aux diverses vitesses d’obturation ; ceci entraînant de fortes variations de profondeur de champ, et par conséquent de l’effet produit.
Pour avoir la même profondeur de champ sur toutes les images, je décide d’utiliser des filtres gris neutres de densité appropriée, absorbant la quantité de lumière adéquate, de telle manière que l’ouverture du diaphragme soit la même pour chacun des neuf appareils.
 
Ne reste plus qu’à capter l’instant décisif où le mouvement atteindra son paroxysme.
 

TIRAGE AU CHARBON... (DE BOIS)
Saucisse XXL

Francis Delvert, Docteur ès' Sciences, spécialiste de la Construction par l’image photographique de connaissances scientifiques et techniques sur des phénomènes survenant dans des situations extrêmes, témoigne.

Un cas pratique : la Mameto, par Francis Delvert
• La mission  La photographie en grand format, chambre 30x30. Je dois réaliser une image de saucisse grillée pour une publicité. Pas de problème ! Mais la difficulté arrive quand on me dit : il faut écrire avec la saucisse « La Mameto » et l’image doit être réalisée pendant et en fin de cuisson…  • Analyse de la situation Pour cela, il faut de la place, un barbecue qui n’existe pas, et un studio… « approprié » (impossible de réaliser cela en plein air : on est en plein mois de janvier et il pleut).

• Réalisation
- Livraison : 70 mètres de saucisse.
- Location : un studio de 400 m² peint sol, mur et plafond en noir.
- Fabrication : un barbecue de 1,50x20 mètres et une grille à retournement.
 
• Technique
- Positionnement de la saucisse sur la grille, en écrivant
«  La Mameto » :
Opération réalisée par l’équipe du chef de pub.
- Allumage du barbecue et cuisson :
Opération effectuée et surveillée par 4 cuisiniers.
- Des assistants pour retourner la grille.
 
• La prise de vues
- Mes deux assistants à la lumière et moi.
- L’allumage du barbecue s’effectue parfaitement, ainsi que la mise en cuisson. Mais problème : la saucisse commence à fumer ! Vite, il nous faut des ventilateurs pour repousser la fumée du champ de prise de vue, mais il ne faut pas que ceux-ci animent le foyer !
La prise de vue est complexe, décentrements, bascules... Nous utilisons trois plan-films couleur… parfait ! Opération réussie. Nous pouvons tout démonter.
Le barbecue est éteint (galère pour le sortir du plateau). Tout le studio est remis en place… Mais l’odeur !!!
 
• L’après...
Une collection de mode avait été prévue pour le lendemain. Le chef opérateur était ravi d’avoir tout un plateau entièrement peint, gratuitement !
Quand ils sont arrivés sur le plateau… ils n’ont pas tenus cinq minutes. Ils sont repartis… c’était une infection !
 

HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE
Les records qui ont marqué l’histoire

Le plus grand tirage du monde, ou comment apprendre simplement les techniques de tirages à l’échelle d’une ville entière, une nuit, à Bièvres. L'auteur : Francis Delvert.
 
Bièvres, 1993. Francis Delvert et quelques amis devisent tranquillement, lorsque, subitement, Francis leur propose de réaliser le plus grand tirage du monde…
 
Suivez le guide !
• La prise de vue : en souvenir de Nadar*
- Location d’un ballon dirigeable (par temps clair).
- À défaut, en cas de météo contraire (nuages, forts vents, etc.) : empruntez la grande échelle des pompiers (a priori, un dimanche, à midi, à Bièvres, les pompiers ne vous diront pas non). À 47 mètres du sol, c’est déjà un peu comme de la photo aérienne. Et bien sûr, par grands vents, c’est encore plus drôle.
• Le matériel :
- Un agrandisseur : équipé d’une lampe à arc, alimenté par un groupe électrogène.
- Le papier : prévoyez un rouleau de grande taille (n’ayez pas froid aux yeux et ne visez pas en dessous de 2 mètres de haut sur 15 mètres de long, s’il vous plaît. Ces dimensions ne sont pas restrictives).
• La préparation : un tirage doit bien évidemment s’effectuer dans le noir le plus complet. N’oubliez donc pas de demander préalablement à la mairie d’avoir l’amabilité d’éteindre tout un quartier de la ville pendant la durée des opérations. Et interdisez à quiconque d’utiliser la moindre source de lumière (fumeurs s’abstenir).
Avant l’extinction des feux, un bon coup de balai dans la rue sera le bienvenu, afin d’éviter toute poussière inopportune.
• La main d’œuvre :
Mettez à contribution les habitants volontaires de Bièvres : tout le monde à quatre pattes dans la rue, muni d'un seau.
 
Dans l’ordre :
• Révéler l’image : c’est le moment d’utiliser son seau. Il s’agit de jeter d’un geste franc et large une bonne quantité de révélateur, et d’en frotter efficacement le papier, à quatre pattes.
• Fixer l’image : même principe pour le bain d’arrêt que pour le révélateur… À quatre pattes, avec le seau.
• Le lavage : le plus simple sera de convoquer les aimables pompiers de la caserne de Bièvres, habillés pour l’occasion en habit 1900, munis de pompes à main d’époque, et de leur faire laver le tirage à grands coups de jets d'eau.
Notez qu'à ce niveau des opérations, l’éclairage public pourra être rétabli.
• Dernière étape, l’exposition :
Tendez le plus grand tirage du monde sur un châssis en bois et placardez-le fièrement sur la façade de la mairie de Bièvres.
 
Et merci à Francis Devert !

*NB : Nadar déposa, en 1858, un brevet pour le « Nouveau système de photographie aérostatique ». Il fit construire un énorme ballon dirigeable baptisé Le Géant d’où il prendra les premières photographies aériennes.
 

TÉMOIGNAGES
Rémy Poinot : Photographe, chercheur, fondateur du Creative Center


- Pour vous, qui est Francis Delvert ?
Rémy Poinot : Monsieur Francis Delvert, Francis, "Franc6" est mon ami. Francis est aussi mon grand-frère, et enfin mon maître.

Je connais peu d'hommes ayant sa droiture, et encore moins sa générosité, et aucun ne présentant un tel savoir en matière d'Histoire de la Photographie.
Expert en Histoire de la Photographie certes, mais aussi conteur merveilleux, grand collectionneur, toujours prêt à expliquer et partager son savoir… lancer Francis sur un sujet, c’est passer un moment passionnant… Mais écouter Francis ne suffit pas, il faudrait l'aide d'un dictaphone ou d'une sténotypiste.

Et alors nous n'avons que la face émergée de l'« Iceberg Delvert », la face immergée représentant ses activités en matière de photographie scientifique, de systèmes d'investigation photographique, ainsi que d’autres domaines tenus au secret où l'expertise de Monsieur Delvert a pu sauver des vies (je ne peux bien évidemment pas en dire d’avantage).

Résumons Francis :
« Homme de Cœur » (Francis ne peut pas maintenir son coeur dans sa cage thoracique, elle est trop petite ; il n'a pas le coeur sur la main, il le porte à deux mains !)
« Homme de connaissance et de savoir » (Et c’est si peu dire…!)
Et une modestie unique, qui est l'apanage des Très Grands.

Avoir la chance de rencontrer Monsieur Francis Delvert c’est, dans tous les sens du terme, y compris photographique : une Révélation.

Rémy Poinot est photographe, chercheur, formateur et dirige le Creative Center.
Rémy "transforme les problèmes en images et pas l'inverse".
 

TÉMOIGNAGES
Didier Pilon : Responsable de la formation continue à Gobelins, l'école de l'image


Nous lui avons demandé d'évoquer pour nous le personnage "Francis Delvert"
Didier Pilon : Francis Delvert a la faiblesse de me considérer comme son ami et, il faut bien l’avouer, je le lui rends bien.
Il faut chercher l’origine de cette amitié ancienne dans une vague passion qui nous occupe professionnellement depuis quelques décennies : celle de la photographie.
C’est d’ailleurs grâce à Francis que j’ai rencontré Marie-Laure qui entretient elle aussi une passion de la belle image au quotidien avec toute l’équipe de PROCESSUS, au profit de ses clients.

Mais soyons clairs, dans ce duo d’amis il y a le maître et il y a le disciple, car qui connaît Francis sait à quel point il est un puits de science photographique et quelle joie l’anime lorsqu’il peut partager cette passion avec d’autres passionnés !

Le définir en disant qu’il est un photographe complet, un historien de la photographie, un technicien de l’image et un artiste ne suffirait pas, même si l’on ajoute que, non content de cette situation déjà enviable, il est également à l’origine d’appareils ou de procédés permettant de réaliser des images quelque peu exceptionnelles…

Citons en vrac et avec beaucoup d’omissions... :
- Un casque photographique pour le vive-champion du monde de chute libre
- Un système capable de photographier la repousse des cheveux
- L’équipement photographique automatisé de nombreux bateaux de courses pour les plus illustres skippers
- Un système permettant d’illustrer le déplacement d’une membrane de haut-parleur sous l’action du courant modulé
- Jusqu’à un appareil entièrement original, destiné à fonctionner en autarcie dans l’espace et conçu pour enregistrer les phases d’une expérience scientifique réalisée en apesanteur, dont on va fêter le vingtième anniversaire dans quelques semaines
- Et je passe sur ses collaborations avec les scientifiques du monde entier et avec la NASA.

À sa décharge, il faut dire qu’il est tombé dans une bassine de révélateur quand il était petit ! Mais comment pourrait-il en être autrement lorsque l’on est le digne héritier de trois générations successives de photographes-inventeurs ?
En revanche, contrairement à Obélix, il a continué et continue à consommer du film, puis du pixel au profit de l’image et de la science. Aussi, après avoir soutenu avec succès une thèse de doctorat la soixantaine passée, je ne serais pas surpris qu’il nous réserve encore quelques surprises dont il a le secret, histoire de continuer à nous démontrer que l’une des plus merveilleuses qualités de la photographie, c’est d’arrêter le temps.

Didier Pilon a été photographe professionnel pendant plus de vingt cinq ans, mais aussi formateur et consultant, il est actuellement responsable de la formation continue à Gobelins, l'école de l'image.
 

TÉMOIGNAGES

Raymond H. A. Carter : Ancien officier supérieur de la gendarmerie nationale

Candide passionné de photographie et d'individus exceptionnels, Raymond H. A. Carter est également professeur de droit pénal international au Centre d'Études Diplomatiques et Stratégique (C.E.D.S.) de Paris, pilote professionnel d'hélicoptère, jardinier et expert international en sûreté, sécurité, investigations et formation. Il s'essaie actuellement comme biographe de son ami Francis Delvert qu'il connaît de longue date, mais a visiblement du mal à y parvenir...


Francis Delvert : « Personnage de l’Impossible » et « Impossible Personnage ! »

Raymond Carter : J’écrivais, voici quelques années dans l’ouvrage retraçant « les quatre générations de photographes » Lacroix - Delvert qu’il a lui-même écrit, que « s’il n’est guère aisé d’évoquer ici dans leur globalité les réalisations de Francis Delvert, force est de constater que contrairement à ce qu’écrivait Talleyrand, ce qui est excessif n’est pas forcément insignifiant. Depuis plus de quarante ans, il en fait une remarquable démonstration et confirme, si besoin était, “qu’impossible n’est pas Français". Car à l’impossible justement, ce maître de l’anti-conformisme s’est toujours tenu, parfois jusqu’à la provocation. Et paradoxalement, il a conservé toujours intact un grand coeur pour qui sait l’entendre battre. Héritier de trois précédentes générations de photographes, ce chantre de la lumière semble à maints égards être marqué par le chiffre parfait. Peut-être parce que sa quête de l’image se veut empreinte d’une certaine perfection ».
C’est un exercice difficile, pratiquement impossible à relever que de présenter et tenter « d’expliquer » Francis Delvert en quelques lignes. Pardonnez-donc ma prolixité retenue malgré tout pour les besoins de l’impression, ou plutôt des « impressions » !

Raymond H. A. Carter ainsi que les lecteurs de Laboaime voudront bien excuser, je l’espère, notre censure : bien que se voulant modeste et non exhaustif, le condensé de biographie que nous offre généreusement le lieutenant-colonel Raymond Carter comporte environ… six pages.
Six pages que nous tenons bien entendu à la disposition de nos fidèles lecteurs, mais que les contraintes techniques liées à internet nous ont obligé à couper...
(biographie disponible à la lecture et dans son intégralité sur simple demande à : traffic@processusphoto.com).
Et encore un grand merci à Raymond Carter pour toutes les précieuses informations qu'il nous a fournies.
 

LE SAVIEZ-VOUS ? NON ?
Les inventeurs de l'ombre au service de la lumière

• Il y a des histoires d’images que l’Histoire a su retenir. 

Par exemple la découverte de la photographie par Joseph Nicéphore Niepce en 1816, le don de la photographie au monde par la France, en 1839, ou encore les premières photographies aériennes de Nadar en 1858.

• Et puis il y a celles que l'Histoire a laissé dans l'ombre.

Laboaime a donc souhaité, dans ce numéro spécial, ré-équilibrer (modestement) l'Histoire.

Trois hommes principaux ont marqué, de leur vivant, la vie de Francis Delvert : Maurice Selb, artiste sobre et rigoureux qui l’initie à la retouche et dont il fera sienne ses qualités ; Jean Cousin, photographe talentueux, trop peu connu qui sera tour à tour son maître, son patron et son ami ; Jean Fage, fourreur de métier, dont l’amour pour l’image et la passion des appareils photographiques présideront à la fondation du Musée Français de la Photographie. Francis dira de lui : "Sans Jean Fage, la photographie n’aurait pas eu de mémoire".

Sa préférence va néanmoins à Louis Ducos Du Hauron, inventeur tant génial que méconnu, que Francis Delvert tente de sortir de l’oubli, réunissant quasiment tous les originaux illustrant les brevets de l’Institut National de la Propriété Industrielle. Francis réalise alors la première exposition au monde de ce grand inventeur et empêche ainsi la vente de ses premières photographies à l’étranger.
• Il est l'homme qui a inventé le procédé de la photographie des couleurs en additif et en soustractif.
• Il est l'homme qui a inventé le cinématographe, qu'il décrit dans un brevet déposé à l'INPI en 1864, l'année de naissance de Louis Lumière.
• C'est à lui que nous devons l'impression trichromique.
Et pourtant, qui connaît son nom ?
De la photographie des couleurs à la cigarette parfumée, de la recherche scientifique à l'anecdotique, Louis Ducos Du Hauron est l’un de ces (hélas nombreux) génies que l’histoire a quelque peu "oublié".

• Et enfin il y a la famille.

Francis Delvert est lui-même le digne héritier de trois générations successives de photographes-inventeurs : Joseph et Léon Lacroix, Raymond et enfin Francis Delvert, créateurs, inventeurs, adaptateurs de matériels photographique, scientifique, médical, automobile, aéronautique.

Joseph Lacroix (1861-1949) « Le Photographe éclairé »
Son amitié pour Louis Ducos Du Hauron sera déterminante puisqu’elle le détournera des carrières auxquelles le destinaient ses parents, à savoir la prêtrise ou les études notariales, et le conduira vers la photographie.
Citons succinctement quelques-unes de ses géniales inventions.
Devant son magasin de photo, il projette, grâce à une lanterne placée sur un balcon, des images de 7 m de côté. Il s’agit de silhouettes de personnes connues ou inconnues, de paysages locaux ou lointains. On note qu’il y a là une démarche non seulement publicitaire, mais aussi (et déjà) pédagogique. Joseph invente et réalise une visionneuse permettant la lecture d’images stéréoscopiques. Il faut y placer une pièce de 10 centimes en bronze pour admirer les images en 3 dimensions pendant un temps donné. Le principe du monnayeur est là, et Joseph l’a même fait breveter.
En 1889, Joseph invente et réalise le Vélocigraphe, le premier appareil de reportage dont les 12 plaques escamotables intégrées permirent de quitter l'atelier pour effectuer des photographies en extérieur.
Plus tard, Joseph participe à la grande aventure de l’image animée. En 1896, un an après que les Frères Lumière aient filmé une scène pour la première fois, il invente l’Héliocinégraphe, une caméra projecteur qui entraîne le film en déroulé continu dans une croix de Malte, évitant ainsi les sauts d’images. D’autres inventions viennent jalonner le parcours de Joseph, comme La Nef Lacroix & De Laville, voiture à trois roues commercialisée vers 1900.
Par sa connaissance de la technique photographique et plus particulièrement de la stéréoscopie, Joseph est aussi le premier à inventer une technique de radiographie en relief : quatre miroirs donnent le relief à deux radiographies prises en déplaçant l’appareil. Sur des épreuves de grandes dimensions, il est alors possible de situer précisément l’emplacement de projectiles, comme des balles ou des éclats d’obus. On devine l’utilité du système pour les chirurgiens dans un contexte de guerre. Il part en 1915 en stage à l’Institut Pasteur afin de parfaire ses connaissances en biochimie. De là est née sa plus belle invention : la Centrifugeuse auto-équilibreuse permettant la numération des globules blancs et des globules rouges, invention dont le principe est encore appliqué de nos jours.

Léon Lacroix (1889-1970) « Le photographe malgré lui »
À 16 ans, il intègre l’École des Beaux Arts, dans l’atelier de Fernand Cormont. Il sort premier de sa promotion où il côtoie, entres autres, Salvator Dali et le peintre Fujita. Il est aussi présenté pour le Grand Prix de la Ville de Paris, prix qu’il remporte.
Mais la réalité le rattrape : Léon se marie, fonde une famille, et se retrouvera plus tard avec ses parents et son petit-fils à charge. Par nécessité, il est contraint d’abandonner la peinture et de se tourner vers la photographie. Grâce à ses dons de dessinateur, de peintre, et ses connaissances de la lumière, Léon devient un retoucheur, un pastelliste et un opérateur de grand talent. Sciences qu’il transmettra à son petit-fils Francis Delvert.
(Une passion pour l’aviation le conduira également à imaginer, dessiner, concevoir, réaliser et piloter plus d’une trentaine d’avions. Mais ceci est une autre histoire…)

Raymond Delvert (1914-1992) « Le photographe pilote  »
Léon détenait non seulement une connaissance parfaite de la technique photographique, du maniement de la lumière et de l’image, mais, par passion, il était également un génie de l’aviation. Impressionné par le talent de cet homme, Raymond devint l’apprenti de Léon, et épousa sa seconde fille Raymonde. De cette union naîtra un fils, Francis Delvert. Photographe aérien, ses clichés ont la particularité de ne pas donner une impression de survol, mais semblent avoir été pris d’un balcon. Il invente l'Aéropédagogie pour l'Éducation Nationale.
(Dans un autre domaine, le travail de Raymond se définit également par l’adaptation du système existant, la "photo-finish", pour les courses de chevaux, permettant de déterminer avec précision le positionnement des chevaux sur la ligne d’arrivée.)


UN PHOTOGRAPHE + UN LABO
Francis Delvert & Processus

Nous avons demandé à Francis Delvert : "Pourquoi Processus?"

- Qu’est-ce qui vous lie avec Tom et Marie-Laure, qui dirigent le labo, et avec toute l'équipe de Processus ?
Francis Delvert : L’amitié vraie et la passion pour l’image. Un dans le noir, l'autre dans la lumière, ils éclairent, illuminent, avec l'équipe Processus, ce laboratoire d'exception !

- Qu’est-ce qui est important pour vous, chez Processus ?
Francis Delvert : Le professionnalisme, la compétence, le savoir, la gentillesse et la simplicité. Et cela ne peut être attribué qu’à de vrais professionnels passionnés !
 

LE MOT DE LA FIN

"Résumer" Francis Delvert n'a visiblement été facile pour personne...  et conclure  ?
Le mot de la fin, par Marie-Laure Metge-Escuriol, fondatrice du laboratoire Processus.

MLM : Ce qui nous rapproche, avec Francis... la passion de la photographie avant tout, bien sûr, mais aussi notre admiration et notre reconnaissance envers ceux qui participent à son Histoire, et la construisent.

Je vous laisse imaginer la fierté et le bonheur de pouvoir approcher, regarder, toucher, écouter toutes les expériences de ce génie de la photographie...!
Je vous laisse imaginer aussi à quel point connaître Francis est une grande leçon d'humilité, de générosité et d'amitié.
Parler avec Francis vous projette dans le futur, dans l'impossible: c'est précieux pour moi qui dirige Processus depuis bientôt treize ans.


Interview : Sandrine Fafet
(Octobre 2009)