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Le photographe Rip Hopkins

Rip Hopkins est certes né en Angleterre, mais il a passé l'essentiel de sa vie d'adulte en France, rejetant son pays natal, toujours à la recherche de nouveaux terrains d’expérimentation. Dès ses études à l’Ecole Nationale Supérieure de Création Industrielle de Paris, il se consacre à la photo. Il réalise des photographies et des films documentaires pour Médecins Sans Frontières, avec lesquels il collabore durant sept ans. Il devient membre de l'agence Vu' en 1996. Il a alors 24 ans. Devenu photographe - mais avec toujours quelque part l'idée qu'il aurait peut-être pu aussi travailler dans la médecine, il va s’intéresser aux populations en danger, aux minorités, aux êtres sans terre, aux personnes en marge de la société à travers le monde, allant à la rencontre d'hommes et de femmes - et d'intimité.
Parallèlement à son travail de commandes pour la presse, les institutions, la publicité, il développe des projets personnels explorant les limites, les possibles et les surprises de la photographie, et de l'humain. Son travail figure dans des collections publiques et privées internationales.
LEGENDE
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INTERVIEW

- Premiers contacts avec la photographie ?
Rip Hopkins : À un moment où je pensais plutôt me consacrer à la médecine. J'ai travaillé avec Médecins Sans Frontières. Mais à cette époque, j'ai reçu de nombreux prix en photographie et je ne pouvais plus m'arrêter là. Les gens croyaient en moi. J'ai hésité longtemps entre la médecine et la photo, mais j'ai choisi la photo. Finalement ce n'est pas si différent ; il s'agit d'aller à la rencontre d'un individu, d'un peuple, de pénétrer son intimité, d'apprendre à en connaître les rouages. On a accès partout avec un appareil photo. On peut justifier partout sa présence avec un statut de photographe et s'incérer très naturellement dans des lieux ou des sociétés privés.

- Quels sont les photographes dont vous appréciez le travail ?
RH : Robert Frank, ou encore Walker Ewans, Dorothea Lange... tous ces photographes qui ont travaillé sur la grande dépression aux États-Unis, les conditions de vie et de travail des Américains ruraux avec la Farm Security Administration (FSA).
Let us now Praise Famous men (1936), de James Agee et Walker Evans, ça, c'est un vrai livre de photos. Vraiment intéressant. On y apprend vraiment quelque chose.
Il y a aussi Josef Koudelka, que j'aime beaucoup. C'est la première grande expo que je suis allé voir à mon arrivée à Paris. J'avais 19 ans. Parmi les photographes de ma génération, il a Martin Kollar, dont je respecte beaucoup le travail et qui est aussi un ami.

- Les images de votre dernier livre, Another Country, sont étonnantes et drôles, comment se passent les prises de vue ? Aviez-vous déjà un scénario pré-écrit dans la tête lorsque vous vous rendiez chez une famille ?
RH : Non, en fait, pour ce livre, je ne savais jamais qui j’allais rencontrer. Et je ne savais pas non plus à quoi allait ressembler la maison dans laquelle j’étais invité. Pour les travaux de commandes, un portrait pour la presse, une série pour une pub, c’est différent : je dessine toujours à l’avance un story board. Là non. Tout se jouait sur la confiance, le charme et la générosité de mes hôtes. Après plusieurs tasses de thé et une visite complète de la maison, je voyais vite comment fonctionnait la personne et sur quels boutons j’allais pouvoir appuyer ; je savais alors jusqu’où je pouvais aller dans ma mise en scène. Et c’est parfois eux-mêmes qui proposaient des idées délirantes.

- Pensez-vous que vos modèles se soient d’autant plus généreusement livrés à vous que vous aviez en commun la même identité britannique ? Qu’a t-elle de particulier ?
RH : Sans aucun doute, oui. Les Britanniques ont la particularité de théoriser assez facilement leurs émotions. Et ils expriment beaucoup de leur personnalité, de leurs fantasmes - et de leur âme, par la maison, le mobilier, la décoration intérieur, leur façon de réhabiliter ces vieilles demeures. Ils sont vraiment un sujet d’étude inespéré ! Et puis ils adorent se déshabiller. Je pense que c’est pour eux une façon de monter qu’ils sont maîtres d’eux-mêmes, et qu’ils se foutent de ce que pensent les autres. J’aime beaucoup la façon qu’ils ont de se moquer d’eux-mêmes.

- Pensez-vous faire une suite à Another Country ?
RH : Je ne sais pas. Sur les Français qui vivent en Belgique, peut-être, puisque je vis là-bas maintenant ? Il y a environ 45 000 Français qui vivent en Belgique et... qui ne savent toujours pas pourquoi ils sont venus !

 - Quel conseil donneriez-vous à un jeune photographe ?
RH : Il faut beaucoup travailler. Il faut aussi savoir cibler son propre intérêt, son propre lien intime entre soi et le sujet. C'est ce lien qui donne du sens. Quand on ne s'enrichit pas au fil d'un projet, inévitablement ce manque se ressent plus tard dans les images.

- Et vous, Rip Hopkins, qu’avez-vous appris à travers ce livre  ?
RH : Tous mes modèles d’Another Country auraient pu être mes amis, ma famille. Avec cette appartenance britannique que nous avions en commun, ils faisaient en quelque sorte partie de moi. Mais je n’ai plus l’impression de faire partie d’eux. Ce livre m’a appris que j’étais fait de deux sphères - l'une britannique, l'autre française - dont chacune tourne autour de l’autre. Elles ne se mélangent pas mais, ensemble, elles me font tenir debout. Chacune s’effondrerait sans l’autre.
 

QUESTIONS SUBSIDIAIRES

- Quel (autre) métier auriez-vous aimé faire (à part photographe) ?
RH : Travailler dans la médecine.

- Quel est le métier que vous n'auriez pas aimé faire ?
RH : Mineur d'amiante.

- Quelle est votre drogue favorite ?
RH : L'impatience.

- Qu’est-ce qui vous fait réagir le plus de façon créative, spirituellement, ou émotionnellement ?
RH : La difficulté.

- Qu’est-ce qui, au contraire, vous met complètement à plat ?
RH : Un contrôle fiscal...

- Qu'aimeriez-vous shooter pour mettre sur un nouveau billet de banque ?
RH : Mes fesses.

- Quel est votre juron, gros mot, blasphème favori ?
RH : "Fuck".

- Quel don de la nature aimeriez-vous avoir ?
RH : 50 cm...

- Avez-vous un objet fétiche, un porte-bonheur ?
RH : J'ai toujours sur moi un petit calepin.

- Quel(les) est la plante, l’arbre, l’animal dans lequel vous aimeriez être réincarné ?
RH : Un chêne.

- À quoi vous sert l’art ?
RH : L'art nourrit l'âme.
 

SI VOUS ÉTIEZ

- Une couleur ?
RH : Le rose.

- Une chanson ?
RH : "I like short songs", des Dead Kennedys.

- Un objet ?
RH : Une boîte à musique.

- Un animal ?
RH : Une souris.

- Une saison ?
RH : Le printemps.

- Un parfum ?
RH : Le jasmin (à la fin de la journée, en été).

- Un alcool ?
RH : -ique.

- Un (autre) artiste ?
RH : Jérôme Bosh.

- Une œuvre d’art ?
RH : L'ours blanc, de François Pompon.

- Un sentiment ?
RH : L'insatisfaction.
 

INTERVIEW « RÉFLEXE »

- Que faites-vous de vos yeux lorsqu’ils ne sont pas derrière un objectif ?
RH : Je les ferme.

- Quel est le cliché que vous ne supportez plus ?
RH : Que l'on doit être heureux.

- Quel est le réflexe dont vous êtes le plus fier ?
RH : Péter en public.

- Qu’est-ce que vous ne pouvez pas encadrer ?
RH : La bêtise.

- Qu’est-ce qui déclenche une envie de photo ?
RH : Un intérêt aigu.

- Devant quel sujet ne pouvez-vous pas rester objectif ?
RH : Le racisme.

- À quoi sert un photographe ?
RH : C'est un point de vue.

- Si vous deviez zoomer sur un événement, ce serait lequel ?
RH : La naissance.

- Quel est votre boîtier fétiche ?
RH : Mon premier sténopé fabriqué dans une canette de coca.

- À quoi êtes-vous le plus sensible ?
RH : Aux femmes.

- Qu’est-ce qui passe avec succès, l’épreuve du temps ?
RH : La vie...
 

UN PHOTOGRAPHE + UN LABO
Rip Hopkins & Processus


- Pourquoi avez-vous choisi Processus ?
RH : En 1999, j'ai réalisé un sujet sur les Travelers Irlandais. Mon premier sujet entièrement en couleur. Une amie photographe, Yto Barrada, allait déjà chez Processus, à l'époque, et m'a conseillé ce labo. Tous les tirages de Outlaws ont donc été réalisés chez Processus. C'était un tout jeune labo à l'époque...


Interview : Sandrine Fafet
(Octobre 2010)